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L'actualité de LaMàO au fil des jours !

VERS LE SPECTRE
 En partenariat avec le CENTQUATRE-PARIS
12 ▸ 22 OCTOBRE 2022
 Théâtre 13 :   

103 A, BD Auguste-Blanqui, 75013 Paris  

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IREAMS

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Adel est autiste, handicapé, neuro-atypique. On le dit détaché, différent, solitaire, ou violent. On le situe quelque part dans la constellation des diagnostics, avant de l'envoyer en orbite dans l'infini spectre des troubles.

 

Autour de lui gravitent ses parents, son éducateur, son institutrice, son infirmière, chacun·e bouleversé·e à sa manière par ce parcours « inadapté ». Par ricochets, des amours volent en éclats, des rêves sont déviés, des victoires minuscules et immenses se savourent, des amitiés inattendues s'inventent. Dans l'œil de ce cyclone, enveloppé par les sons lunaires de ses synthétiseurs modulaires, Adel fait danser les personnages de ce théâtre du singulier.

 

Inspiré de rencontres et en s'appuyant sur des écrits de pédagogues, Vers le Spectre est une fiction théâtrale joyeuse, plurielle et sonore pour se mettre à l'écoute du « moindre geste » ; déjouer les frontières et s'amuser avec la relativité des normes, dans un contexte qui conditionne notre regard sur l'extra-ordinaire.

 

Texte Maurin Ollès avec l'ensemble de l'équipe artistique

 

Le texte a reçu les encouragements de l'Aide à la création d'Artcena

Prix du Public et Prix Lycéen du Festival Impatience 2021

 

Avec Clara Bonnet, Gaspard Liberelle, Gaël Sall, Bedis Tir, Nina Villanova

 

Composition musicale Bedis Tir

Costumes et scénographie Alice Duchange

Vidéo Augustin Bonnet & Mehdi Rondeleux

Lumière Bruno Marsol

Régie générale Clémentine Pradier

Régie son et vidéo Mathieu Plantevin

Masques Lily Bonnet

Avec le regard de Lucas Palisse, intervenant spécialisé autisme

Administration / production Julie Lapalus

 

Production Cie La Crapule

Coproduction La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national, Pôle Arts de la Scène - Friche la Belle de Mai, Le Théâtre Joliette – Scène conventionnée art et création pour les expressions et écritures contemporaines, Forum Jacques Prévert - Scène conventionnée d’intérêt national Art Enfance et Jeunesse, Théâtre du Bois de l'Aune, Théâtre Sorano, Réseau Traverses, 3 bis f - Centre d'arts contemporains d’intérêt national

Soutiens École de la Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national, Ministère de la Culure - DRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur, Département des Bouches-du-Rhône - Centre départemental de créations en résidence, Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ville de Marseille, dispositif Création en cours portée par les Ateliers Médicis Clichy Montfermeil, CENTQUATRE-PARIS

 

Spectacle répété et créé à La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national

Construction décor : Les ateliers de La Comédie de Saint-Étienne - Centre dramatique national.

 

 

 

 

Revue de presse 

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vers un école inclusive

Théâtre. Un enfant « extra-ordinaire » dans un monde pas si ordinaire  

 

Lundi 10 Janvier 2022

Par Marie-José Sirach

 

Vers le spectre a remporté au festival Impatience le prix des lycéens et du public. Un spectacle sensible, politique, qui traite de l’autisme, sans détours, sans faux-semblants et avec beaucoup d’humour.

 

Avec son tout premier spectacle, Vers le spectre, présenté lors du festival Impatience, la Compagnie la Crapule aborde avec subtilité, audace et un humour ravageur la question de l’autisme. À travers le parcours d’Adel, diagnostiqué autiste, neuro-atypique, Vers le spectre évoque l’itinéraire, mouvementé, chaotique, de ce garçon « extra-ordinaire » plongé dans les méandres de l’institution scolaire et médicale. Les déflagrations provoquées dès sa naissance au sein du couple, le parcours du combattant des familles, l’impuissance des soignants face à une institution qui a mal à ses autistes et les « place » comme elle peut, où elle peut quand elle ne les ignore pas tout simplement… Tout est sensible, vivant, et les tableaux s’enchaînent à un rythme effréné, sans fausse note.

 

Un sujet grave, donc, qui peut, sur le papier, paraître rébarbatif. Mais peut-on parler de sujet ici tant la création, dynamique et joyeuse, de Maurin Ollès, jeune metteur en scène passé par l’École supérieure d’art dramatique de Saint-Étienne, donne à tous les personnages la liberté de s’échapper dans un véritable hymne à la vie ?

 

Pas question de faire pleurer Margot dans les chaumières  

 

Construit en cinq mouvements, le spectacle est monté sur des ressorts, ceux-là mêmes qui empêchent parents, enseignants, éducateurs, soignants de sombrer et leur permet de tenir face aux injonctions contradictoires et aux manques de moyens, humains et financiers. La psychiatrie, en France, est le parent pauvre de la santé. Entre le diagnostic – qui souvent tarde à venir – d’un enfant autiste, l’accueil en milieu scolaire, la ronde des placements dans des établissements dits spécialisés, comment tenir, comment rester humain, tout simplement humain ? Comment considérer les autistes dans un monde normé, formaté, qui ne supporte pas la différence ? Confrontés au labyrinthe administratif incohérent et dégradé, aux acronymes administratifs que l’on colle à tout-va, acronymes aussi incompréhensibles que des hiéroglyphes mayas, on mesure combien la vie des autistes et de leurs familles devient un enfer. Mais pas question de s’apitoyer, de faire pleurer Margot dans les chaumières. La mise en scène de Maurin Ollès est vive, rebelle, jamais sentencieuse. Pour raconter l’itinéraire d’Adel, une foule de personnages tentent, tant bien que mal, comme ils peuvent, de résister. On va croiser des pédiatres, des psychiatres, des enseignants, des éducateurs spécialisés, des infirmiers, des associations de familles… Plus on monte dans la hiérarchie, plus les propos sont techniques, froids, dénués d’empathie et d’humanité. C’est tout ce petit peuple d’aidants, d’accompagnants et de soignants, de parents même au bout du rouleau, qui, ici, est mis en lumière. Leur capacité de résilience face au rouleau compresseur d’une administration dont le cynisme de comptables à la petite semaine est terrible.

  

Des situations plus ubuesques les unes que les autres  

 

Adel est présent à chaque instant et son mutisme tranche avec la vivacité des échanges, la cocasserie des situations les unes plus ubuesques que les autres. Le spectacle n’accable pas. Au contraire. Il dit d’autres possibles, il affirme la capacité d’accueillir ces enfants en souffrance dans notre société pour peu qu’on s’inspire des travaux de Fernand Deligny ou de Célestin Freinet.

 

Il faut saluer l’engagement total des acteurs, Clara Bonnet, Gaspard Liberelle, Gaël Sall, Bedis Tir et Nina Villanova, qui incarnent à eux cinq toute une galaxie de personnages qui gravitent autour de la figure d’Adel. Dans une fluidité remarquable, les changements de situation s’opèrent en un clin d’œil et impriment un rythme nerveux au mouvement d’une partition qui ne manque pas de maîtrise. Maurin Ollès signe un spectacle qui conjugue avec pertinence l’intime et le politique, qui fait voler en éclats tous les poncifs et les a priori. Un spectacle salutaire, joyeux et utile.

 

Du 12 au 14 janvier, au Théâtre de la Joliette, Marseille. Le 21 janvier, au Forum Jacques-Prévert, Carros (Alpes-Maritimes). Les 27 et 28 janvier au Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence. Les 12 et 13 mai au Centre dramatique de Rouen. Saison 2022-2023 : au Théâtre 13 à Paris et aux Célestins, à Lyon.

Un ovni et une saga choc lauréats du festival Impatience  

 

«  Là où je croyais être il n'y avait personne », variation durassienne signée de la drolatique Compagnie Shindô, et « Vers le spectre » de la compagnie La Crapule, fresque généreuse et spectaculaire sur le sujet douloureux de l'autisme, ont raflé les principaux prix du festival du théâtre émergent de 2021.  

 

Par Philippe Chevilley

Publié le 17 déc. 2021 à 14:34

 

La pandémie perdure mais le théâtre résiste. Les organisateurs de la treizième édition du festival du théâtre émergent Impatience ont été submergés de propositions - 260, dont la moitié sous forme de maquettes ou de captations. Ils ont retenu onze spectacles éclectiques, représentés du 4 au 16 décembre dans les théâtres d'Ile-de-France partenaires de l'événement : le Centquatre Paris (associé à « Télérama »), le Théâtre de Sartrouville, le Jeune théâtre national, le Théâtre Louis-Aragon (à Tremblay), le Théâtre de Chelles, Le Théâtre 13 et Les Plateaux Sauvages où se sont tenues les délibérations des jurys (professionnel, lycéen et public).

 

Présidé par l'écrivaine Maylis de Kerangal, le jury professionnel (auquel participait « Les Echos ») a décerné son grand prix à un ovni : « Là où je croyais être il n'y avait personne ». Une histoire d'amour et de théâtre vagabonde convoquant Musil, Duras… et des vidéos de bord de mer, signée de la Compagnie Shindô. Elle se résume à un duo de comédiens fantasques et virtuoses, Anaïs Muller et Bertrand Poncet. Leur écriture un peu flottante est compensée par un humour poétique décalé qui fait mouche. Le jury a voulu récompenser une démarche originale et prometteuse - le couple s'attelle déjà à un nouveau spectacle autour de Proust. Assurée d'une grande tournée dans toute la France (c'est le prix qu'offre Impatience), la Compagnie Shindô va pouvoir rencontrer son public.

 

Drame et farce

« Vers le spectre », grand geste théâtral de Maurin Ollès. Prix des lycéens et prix du public.© Lucas Palen  

 

L'autre sensation du festival est « Vers le spectre », spectacle du comédien Maurin Ollès et de sa compagnie La Crapule. Arrivée tout juste seconde dans les votes du jury professionnel, cette saga généreuse, spectaculaire, raconte le parcours du combattant d'un autiste, de l'enfance à l'âge adulte. Elle a raflé le prix des lycéens et celui du public. Un récit osé, limpide, une émotion contenue, un propos politique fort sur la santé et l'éducation, une alternance bienvenue de drame et de farce, des comédiens surdoués… Déjà programmé pour une tournée, ce grand geste théâtral emballant est promis à un beau succès.

 

Le prix de la SACD, qui récompense un auteur pour sa vision contemporaine du théâtre, a été décerné par le jury professionnel à « Stanley : Small Choice in Rotten Apples » de la compagnie de La Horde Furtive. Un choix audacieux puisqu'il s'agit d'un spectacle muet, adapté d'un jeu vidéo, dans lequel on voit un employé de bureau (superbe Clément Thirion) se débattre avec son quotidien numérisé. L'écriture « virtuelle » de ce seul en scène mixant l'humour de Tati et celui des Deschiens en mode 2.0 méritait récompense.

 

Festival Impatience 2021   

Théâtre  

Palmarès de la treizième édition qui s'est tenue à Paris, Sartrouville, Tremblay et Chelles du 4 au 

16  décembre. Philippe Chevilley

N° 5276 – mercredi 22 décembre 2021

 

Sur le papier, ce n’est guère attirant. On n’imagine pas rire aux éclats, être ému aux larmes, s’enchanter, comme rarement, devant une pièce sur l’autisme. Et pourtant.

Cette pièce ne porte pas vraiment sur l’autisme, en fait, certes, Adel est autiste, handicapé, neuro-atypique, il est le centre d’attention et de préoccupation de tous ceux que l’on va voir sur scène pendant 2h15. Mais il apparaît rarement et, quand il est là, ne dit pas grand-chose, ne fait pas grand-chose, il est juste à côté, ailleurs, dans on monde.

Le comédien qui le joue, on le voit surtout dans son autre incarnation, la sienne. Bedis Tir, musicien inspiré, qui s’affaire, souvent de dos, à tirer de son imposant synthétiseur modulaire aux lumière clignotantes des déferlantes de sons distordus qui nous emportent dans une autre dimension.

Si cette pièce est si vivante, si juste, si réussie (et si elle vient de remporter le prix des lycéens et du public au festival Impatience), c’est sans doute qu’elle est née de la rencontre qu’a faite, en 2015, le metteur en scène Maurin Ollès avec un éducateur pour personnes autistes. Son intérêt, sa fascination pour ce qu’il apprend de ce métier et la « philosophie » de cet éducateur. Et tout ce qui s’est ensuivi.

Les rencontres qu’a multipliées Ollès avec jeunes autistes, parents, éducateurs, infirmières, professionnels de santé. Sa familiarité avec l’œuvre de Fernand Deligny, grande figure d’éducateur libertaire, dont la pensée et les expériences irriguèrent les années 60-70. En plus de Bedis Tir,ses quatre jeunes comédiens, tous formidables : Clara Bonnet, Gaspard Liberelle, Gaël Sall, Nina Villanova. Le vrai travail d’équipe qu’ils ont mené – l’ensemble de l’équipe artistique de la compagnie La Crapule a participé à l’écriture de la pièce. L’usage parcimonieux et affûté de la vidéo et des masques (simples et troublants, propres à montrer l’étrangeté de ce monde mental autre).

Le parcours est simple : on suit Adel de sa naissance à l’adolescence, mais surtout ses parents, ses enseignants, ses pays, tous ceux qui gravitent autour de lui, tout ce monde institutionnel éducatif et médicalisé qui s’ordonne (et se désordonne) autour de lui.

Ollès se réfère à Ken Loach et il a raison : comme lui, il réussit à nous captiver en mêlant l’intime et le politique, et nous offre un spectacle à rebours de toutes les pensées manichéennes, haineuses ou simplement comptables qui nous étouffent aujourd’hui.

 

Jean-Luc Porquet.

* Vu aux Plateaux Sauvage à Paris. En tournée.

Au Festival Impatience, le jeune théâtre joue les lanceurs d’alerte 

 

Par Joëlle Gayot

 

Le Centquatre reçoit la 13e édition du festival dédié au jeune théâtre. Cette génération tourmentée, vulnérable, malmenée, est plus résiliente qu’on ne le croit. 

 

Des jeunes qui flirtent avec les théories du complot, cèdent aux sirènes fascistes, épousent les causes terroristes ; d’autres qui se heurtent aux lois des adultes ; d’autres encore dont la société ne sait que faire parce qu’ils sont différents. En convoquant sur ses plateaux une jeunesse tourmentée, vulnérable et malmenée, cette 13e édition du Festival Impatience s’inquiète de l’avenir. Parmi les onze collectifs sélectionnés, six soulignent la fragilité des générations nées après l’an 2000. Fruit du hasard ou signe des temps ? Au fil des représentations proposées dans treize lieux franciliens partenaires de cette manifestation co-organisée par Télérama et le Centquatre-Paris, le théâtre va jouer les lanceurs d’alerte.

 

Les artistes à la manœuvre ont la trentaine. Ils ont franchi le passage au XXIe siècle en adolescents conquérants. Mais le bonheur fuit leur route. Péril écologique, précarité, intégrisme, repli sur soi, peur de l’autre, et enfin cette interminable crise du Covid qui sème la maladie et la mort : quelles raisons auraient-ils de se réjouir ? Ce contexte anxiogène a sans doute aiguisé leur vigilance, les incitant à prendre, sur scène, une parole responsable qui pointe les dangers plus qu’elle ne souhaite divertir. Une tonalité sombre qui n’engendre pourtant pas des spectacles déprimants. Même si cette 13e édition sonne le glas de la désinvolture, l’humour n’en sera pas chassé.

 

 

Une jeunesse qui n’abdique pas 

 

Les héros des fictions déployées portent sur leurs épaules des poids trop lourds pour eux. Adel est un autiste en butte à la rigidité d’institutions dépassées (Vers le spectre). Rudy se suicide à l’âge de 17 ans (Loss). Alex est une lycéenne sensible aux thèses conspirationnistes (La Théorie), Hammad, un étudiant qui veut pulvériser les Twin Towers (L’Homme qui tombe). Dzitri, écolier noir, est humilié car il ne parle pas le français dans sa classe (Transe-maître(s). Enfin, dans Extrême / Malécane, quatre jeunes fêtards bien de leur temps se laissent embrigader par des discours nationalistes. Paola Pisciottano, la conceptrice de ce projet, tire la sonnette d’alarme : « J’ai enquêté pendant trois ans auprès de jeunes européens. Qu’ils soient enfants de prolétaires ou de riches bourgeois, la plupart ne savent plus distinguer la droite de la gauche. Certains ignorent ce qu’a été l’holocauste. Au pire, ils tiennent sans complexe des propos d’extrême droite. Au mieux, ils sont apolitiques. Ils sont le réceptacle parfait pour les pires rhétoriques. » Ce tableau fait froid dans le dos. Et trouve des résonnances dans la mélancolie de Simon Mauclair, metteur en scène de L’Homme qui tombe : « J’ai le sentiment de vivre au milieu de ruines. Au lieu d’ouvrir sur une humanité qui irait dans le bon sens, le XXIe siècle est une somme de désillusions. Je pense nécessaire au théâtre de nommer la violence. Hammad, dans ses doutes et son errance, trouve du sens dans un lieu de culte et une fraternité dans une cellule terroriste. Pourquoi son cœur y est-il perméable ? Nous devons explorer cette zone grise de l’humain. »

Si la jeunesse dérive et dérape, ce n’est pas une raison pour l’accuser ou l’exclure. Ses égarements résultent des fautes des aînés, parents ou grands-parents, qui lui lèguent un monde délétère. Les artistes trentenaires jouent donc le rôle de grands frères à l’écoute de leurs benjamins. Quitte, pour ce faire, à tendre l’oreille à l’inaudible. Marie Yan a commencé à écrire La Théorie à 25 ans, peu après les attentats parisiens de 2015. « À un moment, rappelle-t-elle, où fleurissaient les théories du complot et où un gouvernement condescendant reprochait à la jeunesse d’y adhérer naïvement. Mais la sensibilité à ces théories raconte surtout une méfiance vis-à-vis des autorités. Par quels mécanismes intellectuels en arrive-t-on à croire à ces thèses ? C’est ce que j’essaye de montrer. » Il ne s’agit pas de condamner ou de juger. Pas davantage d’opposer victimes et coupables. Sur les scènes d’Impatience, les adultes, eux aussi, ont du plomb dans l’aile.

 

«  Comment critiquer les institutions sans faire le procès de ceux qui y travaillent ? » s’interroge Maurin Ollès, qui suit le parcours du jeune autiste Adel pour mettre en lumière les « failles et les faiblesses » de son entourage. « Si les autistes sont bien les premiers à être affectés par un système qui dysfonctionne, je veux rendre hommage au personnel hospitalier qui lutte pour qu’ils soient bien traités. » À 30 ans et des poussières, les artistes ont laissé la rage derrière eux. Ils ne veulent plus de ces révolutions utopiques dont l’histoire a prouvé qu’elles allaient dans le mur. Ils composent avec le réel et tentent d’améliorer ce qui peut encore l’être. Pas question, donc, de faire table rase du passé. Pour sortir des impasses, une solution : c’est aux enfants, aux adolescents, aux jeunes de prendre leur destin en main en devenant, à leur tour, les éducateurs de leurs parents. Ce processus, Noémie Ksicova l’applique à la lettre dans son spectacle Loss. Au suicide inexpliqué du héros Rudy, elle répond par l’entêtement de son ex- petite amie : Noémie veut et va démontrer aux adultes que cette mort n’est pas synonyme d’oubli.

 

  

«  On peut penser celui qui n’est plus là autrement que par son absence. Contrairement à l’adulte qui accepte les injonctions et pour qui la perte est un vide, l’adolescent n’abdique pas. Il cherche chaque recoin de vivant.

 

Je voulais donner raison à son obstination. » Cette jeunesse tourmentée, vulnérable, malmenée, est plus résiliente qu’on le croit. Elle résiste et avance stratégiquement ses pions. Dzitri, personnage principal de Transe-maître(s), est humilié par son enseignant parce qu’il ne parle pas le français à l’école ?

 

Qu’importe. « S’il se dresse contre l’ordre établi, il passera néanmoins toute la pièce à fabriquer sa propre parole. » Pour l’auteur, Elemawusi Agbedjidji, la langue de l’écolier sera « un mélange » où s’hybrideront l’éducation (la langue natale) et la contrainte (le français). N’allez pas croire que c’est un renoncement. Bien au contraire, c’est l’avenir.

Palmarès du festival Impatience 2021 : le prix du jury pour la compagnie Shindô

 

Emmanuelle Bouchez

Publié le 17/12/21

 

Les jurés du festival du théâtre émergent ont rendu leur verdict. La compagnie Shindô remporte le prix du jury avec “Là où je croyais être il n’y a personne”.

 

La 13e édition du festival Impatience n’aura pas manqué de candidats : 11 spectacles retenus sur 260 dossiers présentés ! Souvent dotés de moyens techniques témoignant d’une passion pour l’usage de la vidéo et des voix sonorisées, ils auraient presque fait passer les esthétiques plus « naturelles » pour vieillottes. Au risque pour certains de plagier les metteurs en scène les plus en vue, de Joël Pommerat à Julien Gosselin, via Gisèle Vienne. Pourtant, c’est bien la grâce ou la puissance de jeu des interprètes qui a convaincu le jury professionnel, comme le public des sept théâtres d’Île-de-France, dont le Centquatre à Paris, organisateur

 

— avec la complicité de Télérama — de ce festival du théâtre émergent.

 

[…]

 

À    l’opposé de cette dramaturgie élégante et ténue, la compagnie La Crapule, emportée par le jeune comédien Maurin Ollès, a usé de toute la puissance épique du théâtre pour traiter, dans Vers le spectre, un énorme sujet : l’arrivée d’un enfant autiste dans une famille. Appuyé sur une solide recherche documentaire, le spectacle ne cesse de zoomer / dézoomer du particulier au général, et pointe le manque de lieux éducatifs appropriés. Quinze ans de vie défilent dans l’appartement familial, l’école primaire, le milieu associatif ou l’hôpital psychiatrique. Ces tableaux successifs sont des comédies en soi, car l’écriture prend le parti d’un absurde frontal et nerveux, emportée par des acteurs et actrices virtuoses capables de tous les registres. Les lycéens comme le public ne s’y sont pas trompés qui lui ont chacun attribué leur prix, malgré sa trop longue durée à force de vouloir trop en dire.

Vers le spectre, un manifeste drôle et émouvant sur les « inadaptés »  

 

 

22 NOVEMBRE 2021 | PAR ELISE MURAT

 

La nouvelle création de Maurin Ollès accompagné de la Cie La Crapule, Vers le Spectre, se jouait du 16 au 19 Novembre dans leur fief de la Comédie de Saint Etienne, là où ils se sont formés en tant qu’étudiants. Portant sur l’autisme, la pièce raconte à travers l’histoire d’Adel la question intime et politique posée par le handicap.

 

La mise en scène du cyclone provoqué par le diagnostic  

 

D’entrée de jeu, la pesanteur que peut évoquer l’autisme est contrastée par une mise en scène colorée et familière. A l’inverse d’un huis clos, le décor amovible nous fait passer de manière rythmée par toutes les étapes de l’écosystème qui entoure l’enfant autiste : le foyer des jeunes parents, les instituts médicaux, l’école “ordinaire”, puis les instituts spécialisés, les associations d’aide, pour finir dans l’hôpital psychiatrique en manque de moyen. L’approche quasi filmique nous donne l’impression d’une fuite en avant perpétuelle dans un monde inadapté aux besoins de l’enfant. Une surcharge d’environnements plus ou moins hostiles qui lui empêchent de poser le pied et de s’épanouir. La pièce nous donne ainsi une vue d’ensemble des enjeux intimes et sociétaux du diagnostic à travers un jeu de vas et viens entre espace personnel et publique. On se surprend à beaucoup rire pendant la pièce notamment grâce aux acteurs dont la versatilité épouse un nombre d’archétypes et de situations comiques. En parallèle, la tension dramatique ne se délite jamais, notamment grâce à la place importante prise par une musique électronica dissonante produite sur scène en live, qui reflète de manière poignante les états d’âme des personnages.

Un combat contre la marginalisation  

 

À travers l’histoire personnelle d’Adel, diagnostiqué à 4 ans d’un trouble du syndrome autistique, c’est une réflexion plus vaste qui s’articule autour de l’aliénation dans une société inadaptée. Comment le couple peut-il faire face au couperet du diagnostic ? L’autisme, une maladie ? Comment aider l’enfant dans un système qui n’as pas le temps de prendre en compte ses besoins ? Le travail des handicapés, une finalité ? Au milieu de tous ces questionnements, Adel. Présent sans l’être, on s’attache au gré de la pièce à l’enfant qui oscille entre évolution et régression devant l’impuissance manifeste de son père. La pièce évite de manière poignante l’invisibilisation d’un enfant qui ne dialogue pas, en le laissant parler à travers la musique, et en nous faisant plonger dans des séquences angoissantes qui rendent compte de l’inusité agressive du monde qui l’entoure. La pièce est drôle, parfois anxiogène, mais le propos reste toujours profondément intelligible. Sans artifices, Maurin Ollès réussit avec brio à déconstruire la violence symbolique qui émane de la « norme », et nous pousse à questionner nos propres représentations.

 

Vers le Spectre de Maurin Ollès et la Cie Crapule est en tournée dans toute la France jusqu’à 2022 et prochainement à Toulouse à partir du 23 novembre. Toute la programmation ci-dessous :

 

Visuel : © Lucas Palen

La saison 2021 du Festival Impatience s’est clôturée par le spectacle Vers le Spectre, une très belle création récompensée par le Prix du Public et le Prix des Lycéens et mise en scène par Maurin Ollès aux Plateaux Sauvages.  

 

La pièce retrace le parcours tumultueux d’Adel, un jeune garçon neuroatypique. Son père Denis, dépassé par le diagnostic de son fils, tente par tous les moyens de l’aider à se faire une place dans une société où le trouble du spectre autistique demeure un tabou méconnu.

 

Au commencement du spectacle, un homme, placé derrière des platines et des claviers électroniques, joue de la musique. Une femme parle face au micro de son enfant. On assiste ensuite à un tableau conjugal : celui de Roxane et Denis, parents d’un petit garçon nommé Adel. Denis est musicien dans une fanfare et Roxane son épouse est mère au foyer. A première vue, c’est un couple heureux malgré le comportement étrange de leur fils. Adel est un enfant calme, solitaire, peu communiquant voire pas du tout. A l’annonce du diagnostic, Denis entre dans une phase de déni et s’enferme dans sa bulle musicale. Excédée de porter le poids du handicap de son fils sur ses épaules sans le soutien de son mari, Roxanne quitte Denis. Le jeune père se retrouve à affronter seul les difficultés pour scolariser son fils et lui permettre d’évoluer au même titre que les autres enfants.

 

Dans ce spectacle, la musique électronique est omniprésente. Tantôt assourdissante, tantôt mélodieuse et énigmatique, elle métaphorise de manière poétique et intelligente, la réalité cognitive d’une personne autiste, en l’occurrence Adel. L’Histoire du jeune Adel et de sa famille sert de fil rouge au spectacle et fait émerger toute une réflexion passionnante sur le système éducatif institutionnel, son incapacité à inclure les personnes handicapées et les alternatives éducatives qui permettraient à tous les enfants de s’épanouir. Le spectacle est servi par un jeu d’acteur très sincère et touchant. Si le parti pris de s’emparer de la question de l’autisme du point de vue des éducateurs et des parents est salutaire, il mériterait d’être amené de façon davantage lisible dans le montage du texte. Bien que la question du trouble du spectre autistique ne soit plus un tabou aujourd’hui, les outils et les méthodes d’éducation démocratisés par notre système restent inefficaces. Vers le Spectre invite le spectateur à s’interroger sur les manquements du système validiste et capitaliste dans lequel nous évoluons.

 

Marie-Amélie Lorho

Vers le Spectre de Maurin Ollès avec l’ensemble de l’équipe artistique mise en scène Maurin Ollès

 

avec Clara Bonnet – Roxanne, mère d’Adel / Manon, infirmière à l’hôpital psychiatrique, Gaspard Liberelle

 

– Loïc, auxiliaire de vie puis éducateur spécialisé d’Adel, Gaël Sall – Denis, père d’Adel Bedis Tir – Adel, Nina Villanova – Irène, institutrice d’Adel

 

•       composition musicale Bedis Tir 

•       costumes et scénographie Alice Duchange 

•       vidéo Augustin Bonnet & Mehdi Rondeleux 

•       lumière Bruno Marsol 

•       régie générale Clémentine Pradier 

•       régie son et vidéo Mathieu Plantevin 

•       avec le regard de Lucas Palisse, intervenant spécialisé autisme

•       coaching vocal Sylvain Congès 

Crédit photo : Lucas Palen. 

 

 

Vers le spectre, écriture de Maurin Ollès avec l’ensemble de l’équipe artistique, mise en scène de Maurin Ollès – Cie La Crapule. Tout public à partir de 14 ans. Festival Impatience.

 

Vers le spectre, écriture de Maurin Ollès avec l’ensemble de l’équipe artistique, mise en scène de Maurin Ollès – Cie La Crapule. Tout public à partir de 14 ans. Festival Impatience.

 

Une fiction théâtrale joyeuse sur la question de l’autisme du point de vue des familles et des éducateurs, tel se présente le spectacle vif et intense de Vers le spectre de Maurin Ollès.

 

Comment définir la « psychopathologie » de l’autisme ? Un détachement de la réalité extérieure, la vie mentale du sujet psychique étant occupée tout entière par son monde intérieur – introversion.

Adel est autiste, handicapé, neuro-atypique, vu comme détaché, différent, solitaire, ou violent. Situé quelque part dans la constellation des diagnostics et renvoyé à l’infini spectre des troubles. 

 

Le vœu de la compagnie La Crapule est d’œuvrer à l’inclusion des personnes neuro-divergentes, contre le silence de l’Ecole et des institutions, oublieux des enjeux d’égalité et d’émancipation. 

 

Le metteur en scène Maurin Olliès, attaché à la dimension sociologique de l’existence, est inspiré par la figure d’éducateur et pédagogue des années 1960, Fernand Deligny, et par « la pédagogie critique » du brésilien Paulo Freire et de Célestin Freinet … Cette pédagogie prône un mouvement d’éducation émancipatrice – la conscientisation des systèmes de privilèges et d’oppressions -, lié aux théories critiques universitaires – féminisme, pensée queer et décoloniale, intersectionnalité. 

 

Le spectacle malicieux se verse un temps dans la salle où le public assiste à une conférence sur la pédagogie choisie avec intervenant international et pédagogue, enseignante, éducateur spécialisé. 

 

Les trajectoires imprévisibles et inadaptées de l’autisme sont liées à la question sociale et politique, révélant l’incapacité à inclure ceux qui ne correspondent pas à la « norme ». Or, dans les institutions, les éducateurs – « êtres d’enthousiasme »- témoignent de la vitalité de ces déviances et de leurs accompagnants – parents, personnel soignant, enseignants, auxiliaires de vie scolaire. 

 

Par ricochet, des amours volent en éclats – le couple parental -, et des rêves sont déviés. La mère, au début, perdue dans les diagnostics qui varient quelque peu, ne se résout pas ; de même, le père musicien. On le voit prendre en charge la condition de son fils, conscient de son impuissance.

 

En même temps, des petites victoires au jour le jour se savourent, et s’inventent aussi des amitiés. 

 

La représentation est un kaléidoscope de petites scènes successives et lumineuses qui se donnent en miroir, dans l’alternance heurtée des lieux – précipitation du médecin dans les bureaux de l’hôpital, affaissement des parents dans leur foyer, salle de classe interrompue par la venue intempestive du directeur, rendez-vous avec ce dernier… Bousculades, chocs pressés, courses. 

 

Et la scénographie d’Alice Duchange, costumière inventive et précise aussi, est éloquente pour ce qui est de l’emplacement assigné aux personnages – ensemble ou séparés. A jardin, près du lointain, est installé le domaine d’Adel – un dispositif instrumental, groupe de synthétiseurs analogiques et boîtes à rythme, un système modulaire en interactivité avec le plateau.

 

Adel est représenté par Bedis Tir, musicien actif, présence-absence doué de sa partition musicale. 

 

Les interprètes ressentent une liesse scénique à jouer une multitude de personnages : les médecins lors des rendez-vous rapides et empressés auprès de parents excessivement démunis – la mère en détresse est incarnée par le jeu sincère de Clara Bonnet qui donne tonalité et niaque. 

 

L’institutrice, dépassée par les conditions quotidiennes de son rôle auprès de sa classe, est jouée par Nina Villanova, radieuse et toujours juste, qu’elle soit encore médecin ou adolescente rebelle. 

 

La fête à l’école, organisée avec la seconde institutrice tout aussi tonique – Clara Bonnet déjà citée -, est un beau spectacle – théâtre dans le théâtre avec masques burlesques et colorés d’animaux marins où Adel

trouve sa place en oiseau noir mazouté. De temps à autre, les enfants et jeunes gens autistes envahissent dans l’ombre le plateau, la tête anonyme masquée en portrait d’enfant.

  

L’AVS, plein de bonne volonté, qu’on ne prend guère le temps d’informer suffisamment, ou bien la figure du directeur d’école sont des rôles endossés par Gaspard Liberelle, décoiffé et décoiffant, plein d’humour et de joie à s’amuser, un clown spontané qui mime la vie folle d’un responsable.

 

On le retrouve en mère d’un jeune Mathurin, appartenant à une association de familles d’autistes. 

 

Gaël All, père d’Adel, musicien et chanteur, sait porter toutes les nuances de l’indécision et de l’impuissance à maîtriser ce qui ne peut se contrôler, figure infiniment humaine de douleur qu’il transcende par la musique – sa guitare, ses chansons – et les liens neufs qu’il noue au fil du temps.

 

 Les interprètes jouent leur grain de folie et l’improvisation – mouvements dansés, gestes loufoques et baroques, écarts de jambes sur la scène qu’ils foulent comme des athlètes en préparation sportive. Démonstration est faite de la relativité de la « normalité », du concept perméable de frontière entre le fou et le sage, l’ordinaire et l’extraordinaire, ce qui va de soi ou pas.

  

En guise de pause, une séance de cinéma grâce à la vidéo d’Augustin Bonnet et Mehdi Rondeleux où l’on voit de jeunes autistes en réinsertion dans un centre médico-social – couloirs et parcs de la propriété et jusqu’à l’entretien d’une actrice avec un jeune homme autiste, attentif à l’échange.

 

Emotion – respect de ces locataires et de leurs accompagnants, belle leçon d’attention à l’autre.

 

 Un spectacle énergique et convaincant, réfléchi et emporté, patient et tonitruant, tant les comédiens s’amusent sur la scène à jouer la vie quotidienne – ratés, manqués et allégresse.

 

Véronique Hotte

 

 

Les 15 et 16 décembre à 21h dans le cadre du Festival Impatience, aux Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières 75020 – Paris. Tél : 01 83 75 55 70 info@lesplateaux sauvages.fr Du 12 au 14 janvier 2022, au Théâtre Joliette , Marseille. Le 21 janvier 2022, au Forum Jacques Prévert, Carros. Les 27 et 28 janvier 2022, Théâtre du Bois de L’Aune, Aix-en-Provence. Les 12 et 13 mai 2022, Centre dramatique national de Normandie, Rouen. Saison 2022/2023, Théâtre 13, Paris; Les Célestins, Théâtre de Lyon.

Avec les fêtes, les bûches et les résultats positifs, sont tombés au pied du sapin tous les tops musique, littérature, cinéma… Mais peu de médias se sont aventurés, après une longue période de fermeture, à dresser la liste des meilleures créations théâtrales de 2021. Pourtant, juste avant la déferlante se tenait tranquillement au Centquatre (Paris), dans des salles sombres et masquées, le festival Impatience qui proposait un des plus jolis tops de cette fin d’année : celui des jeunes compagnies, à suivre en 2022 (et pour toutes les années à venir).

 

Épuisés par la pandémie, secoués de polémiques causées par des directeurs de théâtres un peu trop boomers (ou carrément gerbants ?), lessivés par les annulations puis re-programmations et largement vidés de leur public, les théâtres ont bien besoin qu’un nouveau courant d’air fasse battre leurs portes. C’est exactement ce que propose chaque année, depuis 13 ans maintenant, le festival Impatience organisé par le Centquatre. Cette manifestation qui donne lieu, à son terme, à une remise des prix et offre sur les plateaux de plusieurs théâtres de Paris et sa couronne un aperçu de ce que la jeune création française a à offrir. Et bien qu’une cérémonie ait déjà eu lieu, nous avons tenu à remettre nos propres statuettes. Sortez les robes et les costumes, Manifesto XXI déroule le tapis rouge.

 

Le prix des personnes extraordinaires goes to : Vers le spectre

 

Compagnie La Crapule, création de Maurin Ollès avec l’ensemble de l’équipe artistique. Avec Clara Bonnet, Gaspard Liberelle, Gaël Sall, Bedis Tir et Nina Villanova, mise en scène : Maurin Ollès.

 

Pour traiter de sujets aussi sensibles que la parentalité et l’autisme, il fallait être sûr·es de réussir son pari. C’est le cas de Vers le spectre, une pièce qui aborde avec une justesse étonnante les vécus des personnes extraordinaires via le personnage d’Adel, que nous suivons de la naissance à la fin de l’adolescence. Le travail dramaturgique de la pièce surprend tant il est juste. Sans psychophobie ni jugement, il s’agit ici de travailler les retranchements les plus magiques de vécus différents. Plus de deux heures de pièce, portées par cinq interprètes multi-casquettes, qui endossent à la fois les rôles de maîtresse d’école désemparée, d’AVS motivé mais sous-formé, de directrice d’hôpital peu scrupuleuse ou encore de soignante dans un établissement en sous-effectif. De plus, la scénographie amovible intelligente et la musique live réalisée avec un synthétiseur modulaire ont de quoi rendre les fréquents changements temporels présents, sans être trop attendus. Le travail engagé et à fleur de peau de la compagnie La Crapule laisse présager de belles choses, dans toutes les nuances du spectre.

Il y a des masques de carton peint, sur scène et dans des vidéos, portés par les acteurs et par d’autres, apparitions et visages énigmatiques, présences silencieuses, glacées, mais aussi bouillonnantes, dansantes, radicalement vivantes, autrement. Une étrangeté en vis à vis, au sein du quotidien, qui requiert Maurin Ollès et sa Cie La Crapule, inscrivant leur démarche artistique dans un « travail sur des problématiques sociales, liées à la prise en charge des personnes et aux marginalités ». Et, dans ce Vers le spectre, l’autisme. Car le spectre du titre est celui du vertigineux TSA : troubles du spectre autistique.

 

Quand, suite à l’étourdissante accumulation de plusieurs mois d’inquiétudes, de démarches, de rendez-vous et d’examens, exposée en un montage théâtral tragi-comique hyper-cut d’espaces et de personnages, les parents d’Adel – mère angoissée, père dans le déni – vont être amenés à prononcer le mot « autiste », les dégâts collatéraux ne vont pas se faire attendre. La mère, ayant l’impression de tout porter, laissera le père seul avec leur enfant. Il se battra, tant bien que mal, désemparé, incertain, mais sans jamais abandonner, pendant des années, contre tout ce qui empêche une prise en compte digne pour son fils.

Car c’est partout pareil, dans les écoles, hôpitaux, lieux spécialisés : consternantes pénuries de temps, de places, de moyens – bref, de considération politique. Malgré tout, quelque chose résiste, une révolte, des liens, des solidarités, fragiles, vivantes, irréductibles. À travers une multiplicité de rôles, que les 5 comédien·ne·s enchaînent avec malice, des séquences théâtrales dynamiques, oniriques, d’agit-prop, burlesques, tendres, et la présence d’une musique abstraite, synthétique, jouée en live, c’est la condition de l’autisme aujourd’hui dans la société qui est évoquée de façon sensible, précise, documentée – la Crapule conjugue son théâtre avec de la recherche documentaire, des rencontres de terrain, et des écrits théoriques. Un spectacle politique au didactisme grave, rageur, joyeux, motivant.

 

MARC VOIRY

Janvier 2022

 

Vers le spectre a été présenté du 12 au 14 janvier au Théâtre de la Joliette, Marseille, et sera les 27 & 28 janvier au Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence

 

Photo : Vers le spectre© Lucas Palen

 

Théâtre du Bois de l’Aune

1 Place Victor Schoelcher

13090 Aix-en-Provence

04 88 71 74 80

boisdelaune.fr 

 

Théâtre Joliette

2 place Henri Verneuil

13002 Marseille

04 91 90 74 28

www.theatrejoliette.fr 

THÉÂTRE. «Vers le spectre»  

 

Texte et mise en scène: Maurin Ollès. Jeu: Clara Bonnet, Gaspard Liberelle, Gaël Sall, Bedis Tir et Nina Villanova. Composition musicale: Bedis Tir. Costumes et scénographie: Alice Duchange. Durée: 2h.  

  

 

Cet intéressant spectacle est remarquablement joué par des comédiens qui interprètent, chacun, de multiples rôles dans une succession de multiples séquences fort différentes et dans une multitude de lieux - cette profusion finissant, d’ailleurs, par nuire quelque peu au spectacle.

 

Celui-ci, un petit peu trop long, gagnerait sans doute à être élagué.

 

Il faut saluer, toutefois, le travail du compositeur Bedis Tir, qui joue en direct de remarquables musiques électroniques, destinées à faire exister le personnage que Tir interprète par ailleurs. Il faut également saluer le travail de la costumière Alice Duchange, dont la prestation de scénographe, par contre, est moins satisfaisante car, sur le plateau du théâtre, il y a définitivement trop d’accessoires et trop d’éléments de décor, que les comédiens doivent sans cesse déplacer pour préparer la scène à venir. Là encore, un effort de simplification serait souhaitable.

 

Produite par la compagnie théâtrale La Crapule, basée dans les Bouches-du-Rhône et créée en 2016 par l’auteur et metteur en scène du spectacle, Maurin Ollès, la pièce a pour thème central l’autisme.

 

Elle s’inspire de la vie d’un jeune autiste, qu’Ollès a rencontré, et d’entretiens avec des spécialistes de l’autisme, ainsi que de livres de pédagogues (surtout le brésilien Paulo Freire et les français Fernand Deligny et Célestin Freinet).

 

 

Les « parcours du combattant » des parents d’enfants autistes  

 

 De ce point de vue, la pièce - au cours de laquelle le spectateur se familiarise avec des sigles tels que TSA (troubles du spectre autistique) ou IME (Institut médico-éducatif) - est un instructif spectacle documentaire sur la façon dont l’autisme est vécue, dans la France contemporaine, par les familles concernées, les éducateurs spécialisés, le personnel soignant et les enseignants.

 

Les parents d’Adel, l’autiste personnage central de la pièce, vont rapidement se séparer sous la force des contraintes qu’impose cet enfant.

 

La mère, qui, au début du spectacle, reproche à son compagnon de ne pas s’occuper suffisamment de leur petit, va bientôt plus ou moins disparaître - probablement pour refaire sa vie - et c’est surtout le père qui, pendant une vingtaine d’années, s’occupera d’Adel.

 

Le spectacle décrit successivement deux «parcours du combattant» - d’abord, celui des parents qui, pendant deux ans, consultent une foultitude de médecins pour essayer de découvrir de quoi souffre leur garçon, avant que, enfin, l’un des médecins ne pose le bon diagnostic - et c’est d’ailleurs l’une des meilleures séquences du spectacle : un enchaînement effréné de rendez-vous entre les parents et des toubibs.

 

C’est également, second «parcours du combattant», celui du père, contraint de rechercher continuellement de nouveaux, et si possible meilleurs, lieux d’accueil pour son fils, si problématique.

 

Bien que cauchemardesque, l’histoire se terminera bien… mais nous ne dirons pas de quelle façon.

 

 

 

L’AUTEUR ET METTEUR EN SCÈNE. Maurin Ollès, né en 1990 à La Ciotat, formé au Conservatoire d’art dramatique de Marseille et à l'École d’art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne, est également comédien et réalisateur de cinéma.

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS : https://www.lacrapule.net