La Main à l'Oreille - L'association

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La Main à l’Oreille
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Les objets

 

Par Céline T.

Si nous ne te limitons pas, tu dors avec, tu te laves avec, tu manges avec, tu veux sortir avec et si tu n’as rien dans les mains, tu trouveras bien quelque chose en chemin. Il faut te demander de les poser pour manger et pour faire une activité. Ils sont aussi l’objet de négociations si nous voulons te faire obéir et que la parole ne suffit plus.

Quand nous allons quelque part, tu t’empresses de chiper des objets, c’est comme une nécessité vitale, une urgence, une façon de t’approprier l’environnement. Nous sommes souvent dans l’obligation de t’enlever ces objets qui peuvent être précieux pour les autres, fragiles ou dangereux. Tu l’acceptes plus ou moins facilement. Et pour les autres, c’est souvent incompréhensibles et embarrassants.

Nous savons que c’est nécessaire pour toi mais ces objets sont parfois tellement envahissants. Il nous arrive de ne plus les supporter. En ce moment tu en prends plusieurs en même temps, tu les veux tous. Et quand tu les as avec toi, tu es empêché pour découvrir le monde, c’est comme si cela te satisfaisait. Ce matin, j’ai pensé qu’ils étaient comme le prolongement de ton propre corps.

Et puis, il nous arrive d’en rire. L’autre jour tu étais plein de pommes de pins, tu les voulais toutes mais elles tombaient à chaque fois que tu voulais en prendre d’autres. Tu nous as joué, sans le vouloir, un petit spectacle de clown et tu semblais t’en amuser toi aussi. Nous avons partagé et porté ton précieux butin.

Victor à la librairie Comptines

Ces petits objets que tu trimballes avec toi ne te quittent pas depuis que tu es petit, ils fluctuent avec le temps. Certains t’accompagnent pendant des semaines, d’autres sont plus éphémères. En ce moment c’est une assiette en plastique, une grande, une petite, un peigne, une brosse, un morceau de seringue. Des objets durs, des doux comme les pinceaux. Ah les pinceaux… tu les aimes plus que tout et tu adores les caresses avec les pinceaux.

Victor à la librairie Comptines

Ces objets ont parfois un côté pratique comme un pinceau pour les caresses ou une cuillère et un bol pour ramasser le sable sur les plages immenses de l’océan. Tu laissais des traces derrière toi sur le sable : des pas, des trous de cuillère, et un tas de sable tombé d’un bol. J’ai souri en pensant aux passants qui voyant tes traces auraient bien eu du mal à comprendre qui pouvait en être l’auteur

Nous avons trouvé un petit sac transparent où les mettre et tu as passé beaucoup de temps en voyage à les sortir, les ranger, les échanger. Ils ont surement à nous apprendre sur tes émotions, tes pensées, ton rapport au monde et à l’autre. Ils fluctuent avec tes émotions du moment. Ils peuvent s’avérer aussi très pratiques pour apprendre à compter. Nous te proposons d’en garder deux, te voilà parti à compter tous ceux que tu as en main, tu en poses certains, tu hésites, tu négocies : « Trois ? ». 

Nous avons encore tellement à apprendre de toi… Quand je t’observe avec tes objets, je nous regarde aussi et je vois alors tous ces objets qui nous entourent… Notre téléphone, tenu, regardé, touché, porté à l’oreille, rangé, branché à longueur de journée. Le sac à main, plus ou moins rempli de ces petites choses qu’on veut garder avec soi : des carnets, une pochette, une crème, des papiers… Finalement, nous ne sortons jamais sans rien. Alors à quoi bon combattre une assiette, un bouchon de lavabo ou une plume ? Nous avons appris à faire avec, nous avons fini de lutter avec ces multiples objets. Aujourd’hui, nous en parlons, nous en jouons, nous en rions. 

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