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Lettre ouverte de Laurence Vollin

Mère d’une jeune fille autiste,

à Madame Marie-Arlette Carlotti, Ministre déléguée aux affaires sociales et à la santé, à propos du troisième plan autisme

Madame la Ministre,
Je suis la mère d’une jeune fille autiste de quinze ans. Les manifestations du syndrome autistique de ma fille sont diverses et à l’origine d’une situation de dépendance et d’un handicap sévère. Du premier choc volontaire de sa tête contre une armoire à l’âge de deux ans, à l’acquisition d’une capacité de communication avec les autres favorisant son bien être, notre fille est passée par des phases de violence éprouvantes (auto mutilation, défenestration). Si je me permets de vous écrire aujourd’hui, c’est qu’il apparaît que ce qui figure dans le troisième plan autisme nous menace gravement et est en totale contradiction avec tout ce que nous avons pu construire en famille et dans les différentes institutions où ma fille a été suivie.
Au cours de ces quinze années, nous avons constaté qu’il n’y avait aucune méthode type qui pouvait s’adapter à notre enfant. Grâce à la bienveillance des éducateurs qui assuraient sa prise en charge, nous avons exploré, transposé, bricolé les différents outils qui étaient à notre portée favorisant ainsi un dispositif sur mesure qui a permis à notre fille d’évoluer vers une relative sérénité.
Dans les périodes de grandes difficultés liées à des angoisses insurmontables, l’approche psychanalytique nous a encouragé à adopter une position particulière, à développer un autre langage laissant ainsi un espace sans contrainte aucune où nous ne lui avons rien imposé, demeurant uniquement à l’écoute de ce qu’elle nous proposait ; cette approche a favorisé un apaisement considérable. Dans les temps clairsemés de sa disponibilité nous avons mis en place des procédés éducatifs visant à lui faire acquérir des apprentissages stimulant son autonomie en lien avec ses demandes. Ce sont toutes ces approches, toutes ces méthodes, la richesse d’un choix que nous souhaitons le plus varié qui dynamisent notre quotidien.
Rien n’est jamais complètement acquis, l’extrême complexité et la diversité des symptômes autistiques en lien avec la singularité de notre enfant font que ce qui s’applique avec bonheur aujourd’hui sera à reconsidérer dans un mois, dans un an,
comment savoir ? Nous devons être à l’écoute du surgissement de ces manifestations radicales, prêts à recueillir l’inattendu et l’inouï. Chaque démarche, chaque proposition de solution, chaque mise en place d’une nouvelle façon d’y faire avec ses symptômes est un pari, le pari d’une rencontre unique qui ne peut s’évaluer.
Vous comprendrez aisément que la rigidité d’une méthode, d’une prise en charge, d’une formation d’éducateurs imposée sans autre alternative nous projetterait dans une voie sans issue mettant instantanément en péril le fragile équilibre de notre enfant et de notre famille.
Cela fait quinze ans que ma fille décline sa différence. Mon travail psychanalytique m’a aidée à l’accepter, à me dégager de ce désir de normalité qui m’encombrait et à me réjouir de ses inventions, à l’écoute de ses propositions. Ce travail m’a permis de libérer un espace pour créer, inventer, ajuster ma position de mère, mère de ma fille autiste mais aussi de son frère et de sa sœur. Position d’une femme à part entière, qui me laisse aujourd’hui cette disponibilité pour m’adresser à vous.
Je ne revendique aucune méthode, aucune approche, je ne revendique que la liberté de choisir ce qui convient le mieux à mon enfant.

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