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La Main à l’Oreille
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Le temps de la parole à deux

Par Valérie Gay-Corajoud 

Il y a eu le temps de la stupeur et celui de l’acceptation.
Et puis, au sein de la famille, il y a eu le temps de l’isolement, salvateur probablement… dans lequel s’est installé le temps de la reconstruction.
Les années ont passé bien sûr, car c’est ce qui arrive toujours. Les années passent.
Alors est venu le temps de dire, de partager.
Le temps de raconter l’autisme qui s’invite dans une famille. 

J’ai pris la parole, car au sein de cette famille, cela a toujours été mon rôle.
J’ai écrit, dit, montré… Il me semblait que c’était ce qu’il fallait faire. C’était en quelque sorte la manière de redonner ce que nous avions reçu.
Comme une responsabilité, un devoir, mais une chance aussi, avec toujours cette question au fond de moi : « Jusqu’où dire de nous » ?
Je suis témoin d’un entrelacs de vies dont certaines parties ne m’appartiennent pas, mais qui sont inextricables de ce témoignage précieux dont je suis aujourd’hui la dépositaire. 

Du jour où il a été en mesure de me répondre, chaque fois que je suis intervenue, chaque fois que j’ai cité son nom, son histoire, son courage, j’ai demandé à Théo son autorisation.
Nous avons beaucoup parlé lui et moi des raisons de témoigner, de cette responsabilité que nous avions envers les autres et de notre choix de nous en emparer ou non.
Pour la cause de l’autisme, comme d’autres clameraient : « Pour l’amour de Camelot » ! (Un clin d’œil à Théo).
Il m’a toujours donné son accord, précisant qu’il trouvait ça bien, qu’il comprenait et qu’un jour lui aussi témoignerait.
J’ai accepté son oui, simplement, car avec lui, les choses sont simples. Oui veut toujours dire oui, et non ne veut rien dire d’autre que non. C’est ça aussi la beauté de l’autisme de Théo.
Pourtant persistait en moi ce doute : Ais-je vraiment le droit ? 

Et puis il y a eu ce 15 janvier 2017, à Lille, lors du premier ricochet de l’association Funambules.
Une belle journée, pleine de chaleur malgré le froid hivernal, de bonté, de bienveillance, avec ce petit quelque chose en plus qui tient peut-être de la magie.
Juste avant la diffusion du film de Solène Caron : « le monde de Théo », Betina Fratura avait demandé à Théo s’il était d’accord de parler au public après le film. Il lui a répondu qu’il était d’accord.
Alors, quand il a été l’heure, il s’est assis parmi nous, a saisi le micro tout naturellement et a répondu aux questions avec une telle bonne humeur, une telle aisance, et un tel respect de qui il est, que j’ai su.
J’ai su qu’il avait tout compris depuis le début. J’ai su que son « oui » était lucide et décidé. J’ai su que je ne l’avais pas trahi.
A son tour, il a dit. Sans fard, sans fausse pudeur, sans faux semblant.
Avec humour parfois, avec gentillesse toujours.
Il m’a confié ensuite qu’il avait aimé faire cela et qu’il avait été heureux d’avoir su donner de l’espoir aux familles présentes ce jour-là et notamment à ces jeunes parents qui lui ont demandé si malgré ses difficultés il avait une vie heureuse et auxquels il a répondu oui. 

Le temps de la parole à deux. Peut-être. Sûrement.
Ce premier jour, ce premier ricochet. Théo, funambule sur son fil particulier, avec ce courage qui lui est propre et devant lequel je suis toujours ébahie. 

Merci à Betina Frattura et à sa merveilleuse équipe de funambules d’avoir permis cela.
Merci aussi à Mariana Alba de Luna et à l’association La Main à l’Oreille de si bien nous accompagner Théo et moi, depuis tout ce temps à leurs côtés.
Mais avant tout, merci à Théo.
Tu es si grand Théo. 

 

Valérie Gay-Corajoud 

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