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Autre-Chose dans la vie de Théo

 

par Valérie Gay-Corajoud

Théo était un petit enfant silencieux qui ne communiquait pas avec son entourage. 

Les quelques heures que j'avais passées avec lui m'avaient ouvert les portes d'un monde particulier, un monde bien différent de celui que j'avais connu jusqu'alors. 

Un peu plus compliqué, assurément, mais plus riche aussi, beaucoup plus riche. 

C'était en vérité un monde passionnant, plein de poésie, plein de magie, plein de merveilles que je n'avais jamais pris la peine de regarder bien qu'elles aient toujours été là, à ma portée.

Autre-Chose dans le vie de Théo est un livre à deux entrées. 

L'une pour les petits, illustrée par la talentueuse Salomé Von Ow et l'autre pour les plus grands. 

  

Autre-Chose, Tyrannosaure-Rex en plastique offert à Théo pour ses 4 ans, nous parle de l'autisme, de la différence, de l'acceptation, de l'accompagnement, de la découverte, de la bonté. Il nous parle  aussi de la communication au-delà du langage. 

Il nous parle...  alors... écoutons-le. 

 

Le Prologue 

 

Je ne peux pas raconter ici ce qu’il en est de vivre avec un enfant souffrant d’un autre handicap que l’autisme pas plus que ce qu’il en est de vivre 

avec un enfant autiste autre que Théo. Je peux juste tenter de raconter ce qu’est la vie aux côtés de Théo. 

Théo n’est pas handicapé physique, il n’est pas non plus handicapé mental. Son handicap se situe plus dans ses sentiments, dans sa grande difficulté à traduire le monde qui l’entoure et à faire comprendre aux autres ses ressentis tout autant qu’à décoder le ressenti des autres. 

Théo n’est pas insensible, bien au contraire, il est hyper-sensible, et cette sensibilité, il ne sait pas bien la gérer. Il l’emmène avec lui en chaque chose, en 

chaque pas, en chaque mot. C’est en cela qu’il est pour moi, l’être le plus courageux que je connaisse. 

Si j’ai pris le parti de faire parler le jouet préféré de Théo plutôt que de faire entendre ma voix, c’est tout d’abord afin de m’extraire de ma propre émotion, de ma propre traduction et aussi pour permettre une certaine poésie née de la naïveté du personnage. 

Ensuite, de par sa condition d’objet, le jouet n’influe pas dans la vie de Théo, mais il témoigne en tant que spectateur bienveillant. Il n’a pas de vie propre si ce n’est cette rencontre avec l’enfant qu’il découvre petit à petit. Dénué de passé, il n’est pas dans la comparaison, il n’est pas dans le jugement ni dans la peur. Il est une extension de Théo, comme un sens supplémentaire, comme ce petit quelque-chose qui lui manque pour bien communiquer avec le monde. Il ne m’est jamais paru anodin que Théo, qui était pourtant à l’époque "sorti" du langage, ait choisi d’appeler ce compagnon "Autre-Chose".

 Et pour finir, je peux ainsi me permettre de doter Autre-Chose d’une compréhension que nous n’avons eu que petit à petit. Notamment le rapport de Théo avec les objets contre lesquels il se frappait en permanence et les coups qu’il se donnait ou alors les raisons qui le poussaient à tripoter tout ce qu’il

avait dans les mains etc.

L’autre parti pris de ce livre est de le présenter de manière à ce qu’il puisse être lu à deux niveaux. La première partie au présent, illustrée par la talentueuse Salome Von Ow, à lire aux petits, comme une histoire de vie, juste un petit garçon presque comme eux, un peu différent tout de même, qui doit lutter souvent pour parvenir à faire ce qu’eux-mêmes font simplement, sans se poser de questions. Pour leur

faire comprendre que la différence n’est pas toujours un choix. Que le seul choix qu’on a est, non seulement de l’accepter, mais aussi de l’apprécier.

La seconde partie, au passé, pour les plus grands, pour les parents, pour les enfants qui grandissent, ou les petits qui veulent en savoir plus. Autre-Chose y décrit de manière plus fine les ressentis de Théo face à ses difficultés à appréhender le monde. Ce monde, dans lequel Théo a émergé deux fois. Une première fois lorsqu’il est né de mon ventre, une autre fois lorsqu’il a su s’extraire de ces murs trop épais d’un autisme non plus rassurant, mais enfermant.

Ce monde dans lequel Autre-chose vous invite à présent.

Si vous voulez bien le suivre…

Extraits  

Cela faisait un petit moment que j’étais réveillé. Le soleil commençait à se lever et m’offrait suffisamment de lumière pour que je puisse faire la connaissance de ma toute nouvelle chambre. 

Théo dormait encore à poings fermés et j’ai eu le bonheur indescriptible de me rendre compte qu’une de ses petites mains était posée sur moi. J’ai ressenti alors une immense bouffée d’amour pour ce petit garçon que j’apprenais tout juste à connaître. 

Cette toute première semaine passée avec lui, j’ai pu assez vite remarquer que Théo n’était pas un enfant comme les autres. Je n’étais pas un expert en la matière bien sûr, mais tout de même, j’en avais vu passer des enfants lors de mon séjour sur le rayon du grand magasin où l’on m’avait acheté, et il était aisé de voir la différence. 

Théo était un petit enfant silencieux qui ne communiquait pas beaucoup avec son entourage. Les quelques heures que j’avais passées avec lui m’avaient ouvert les portes d’un monde particulier, un monde bien différent de celui que j’avais connu jusqu’alors. Un monde plus compliqué, assurément, mais plus riche aussi, beaucoup plus riche. 

C’était en vérité un monde passionnant, plein de poésie, plein de magie, plein de merveilles que je n’avais jamais pris la peine de regarder bien qu’elles aient toujours été là, à ma portée. 

Pendant des heures par exemple, j’ai regardé avec lui la danse des brins de poussière dans la lumière du jour. C’était tout simplement féérique mes amis ! 

Alors que je me balançais d’avant en arrière avec lui, j’éprouvais une sensation de bien-être indescriptible. 

Nous étions lui et moi entourés d’un silence rassurant et nous regardions, ravis, la lumières du soleil jouer devant nos yeux, comme le chant d’un elfe bienveillant. 

Théo ronronnait comme un chat et cela faisait vibrer sa gorge et son ventre. C’était bon ! 

Comme par enchantement, tous les bruits de la maison s’en sont allés ! Il ne faisait ni chaud ni froid, il n’y avait plus d’odeur, plus rien d’autre que lui et moi et la danse de la lumière. 

Je n’avais jamais connu cela et j’aurais voulu que ça dure toujours. 

Et puis maman est venue nous dire que c’était l’heure du repas. 

J’ai bien vu que c’était dur pour Théo de sortir de la lumière. D’ailleurs il ne l’a pas tout de suite entendue. Il continuait comme si de rien n’était son balancement et son ronronnement. Le soleil continuait de refléter la poussière… C’était si beau ! 

Je comprenais bien comme il était dur de quitter cela et moi-même j’aurais voulu que cela ne s’arrête jamais. 

Maman est revenue plusieurs fois, je crois qu’elle était un peu triste. 

Au bout de la quatrième fois elle a posé sa main sur l’épaule de Théo et tout est parti. 

La lumière, la poussière, le chant. Il n’y avait plus rien que le balancement de Théo de plus en plus fort. Et puis le bruit, l’odeur… tout l’autre monde est revenu. 

« Vient Théo, vient manger » lui disait maman. 

Finalement Théo s’est levé et a suivi maman. 

Il n’a pas dit un mot, mais j’ai bien senti comme il avait mal. Il m’a pris avec lui sans ménagement, par la patte arrière, faisant trainer ma tête par terre. Il me portait comme ça lorsqu’il n’allait pas. 

Avant que nous quittions sa chambre j’ai jeté un rapide coup d’œil vers la fenêtre, mais le soleil nous avait tourné le dos et les brins de poussières n’avaient plus envie de danser. J’étais triste". 

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